La loi de réforme de l’impôt des sociétés a été publiée au Moniteur du 29 décembre dernier. Elle avait l’objet d’âpres discussions entre les partenaires du gouvernement fédéral et les parlementaires n’ont eu, comme le Conseil d’Etat, que quelques jours pour examiner le projet de loi et le voter.
Dans de telles conditions, il n’est pas étonnant que cette loi doive déjà être corrigée, moins de 6 mois après sa promulgation.
Le gouvernement a donc déposé sur le bureau du Parlement un projet de loi portant des dispositions diverses en matière d’imposition sur les revenus, dont le moins que l’on puisse dire est qu’il s’agit d’une nouvelle loi fourre-tout.
Cela va de la suppression de la fairness-tax à des précisions sur la rémunération minimale des dirigeants d’entreprises pour qu’une société PME puisse bénéficier du taux réduit de l’ISoc.
Il y a aussi une correction en matière d’intérêts notionnels, afin de combler une faille qui subsistait dans la législation.
Le Conseil d’Etat n’a d’ailleurs pas été tendre avec le nouveau projet de loi, car il regrette (le mot est faible) qu’une fois de plus, le gouvernement le prenne en otage pour rendre un avis dans l’urgence, alors que le gouvernement sait très bien que ce ne sera pas possible et qu’il faudra qu’il corrige la loi ensuite.
Tout cela nuit à la sécurité juridique, et nous l’avons déjà critiqué à de nombreuses reprises ces dernières années. La manière dont les lois sont faites est inacceptable : le temps de la réflexion a disparu, ce sont des membres des cabinets qui rédigent les textes légaux, l’avis du Conseil d’Etat est systématiquement demandé dans l’urgence et les parlementaires n’ont que quelques jours pour examiner et voter des centaines de pages.
De l’autre côté de la barrière, le problème est le même car il faut appliquer des textes légaux qui n’en finissent pas de changer. Le même texte est modifié plusieurs fois par la même loi, mais avec des dates d’entrée en vigueur différentes.
Comment assimiler tout cela en si peu de temps ? Comment conseiller correctement les contribuables et assujettis ? Ce sont les questionnements auxquels sont confrontés tous ceux qui de près ou de loin doivent pratiquer la fiscalité belge de nos jours.
Le projet de loi apporte donc les modifications suivantes à ce que nous connaissions jusqu’ici :
- L’exonération des dividendes est portée de 416,50 euros à 512, 50 euros (ces montants avant indexation) à partir du 01.01.2019. Cela fait donc passer le montant indexé de 640 à 800 euros. Malgré le fait que cette mesure avait été financée par une diminution de l’exonération des intérêts sur les livrets d’épargne, le gouvernement n’a pas jugé utile de diminuer de nouveau cette dernière exonération ;
- Pour bénéficier du nouveau taux réduit de l’ISoc, il faut attribuer une rémunération de 45.000 euros à un dirigeant d’entreprise. Il est désormais précisé que ce dirigeant doit être une personne physique. Il en va de même pour la cotisation de 5% quand la rémunération est insuffisante. La cotisation devait en outre passer à 10% à partir du 01.01.2020. Cette augmentation est supprimée. Précisons enfin que la cotisation de 5% sera soumise aux majorations pour absence de versements anticipés ;
- La déduction à 120% prévue par l’art.64ter cir/92 passe entièrement à la trappe pour les sociétés. Contrairement aux personnes physiques, la déduction à 120% ne sera donc plus autorisée pour les sociétés sur les frais de sécurisation et l’encouragement de l’utilisation de la bicyclette pour les déplacements domicile-lieu de travail ;
- La déduction des intérêts notionnels se voit agrémentée d’une disposition anti-abus spécifique qui consiste à ne pas accepter dans la base de calcul les apports en capitaux qui auraient été financés par l’emprunt dans le chef de l’apporteur. D’autre part, pour le calcul, il fallait désormais se fonder sur la différence entre le capital fin de période et le capital de 5 ans auparavant. Désormais, ce ne sera plus la fin de la période imposable mais bien le début de celle-ci ;
- Les primes bénéficiaires attribuées aux travailleurs sont soumises à une retenue de 7 ou 15% selon les cas. La question nous avait déjà été posée de savoir si la base de calcul se faisait avant ou après déduction de la retenue de 13,07% (cotisation sociale spécifique de solidarité). Nous avions répondu qu’il fallait faire le calcul après déduction des 13,07%. Le projet de loi confirme notre opinion sur ce point.
Telles sont les principales modifications apportées par ce projet de loi.
Les dates d’entrée en vigueur relèvent également du poème, car soit elles sont identiques à celle du texte qui est modifié et avait été introduit par la loi du 25.12.2017 portant réforme de l’ISoc, soit il n’y en a pas, et ce sera 10 jours après la publication au Moniteur. Comprendra qui pourra.
Source: Émile Masset
Rédacteur en chef de Taxwin