La loi fiscale est d’ordre public et elle ne peut s’appliquer qu’en vertu d’une loi.
La Cour de cassation (30 novembre 1950, Bull. et Pas., 1951, I, 191) définit l’impôt comme étant « un prélèvement pratiqué par voie d’autorité par l’Etat, les provinces, et les communes sur les ressources des personnes qui vivent sur leur territoire ou y possèdent des intérêts pour être affecté aux services d’utilité générale ».
L’ordre public fiscal est présent dans le droit matériel fiscal (Cass., 5 janvier 1931, Bull. et Pas I, 1931, 1, 26), dans les règles régissant l’établissement et le recouvrement de l’impôt (Cass. 25 juin 1999, RG. C.96.0282.N, Pas. 1999, n° 396) ou encore la procédure (D. LAMBOT, « L’étendue des pouvoirs du juge en matière d’impôts sur les revenus », dans Mélanges John Kirkpatrick, n° 25, p. 472, citant Ch. CARDYN, H . DEPRET et M. LOOCKX, Procédure fiscale contentieuse, 3e éd., Bruxelles, Bruylant, 1992, p. 202)
Cela étant, c’est à bon escient que Tiberghien dans son manuel de droit fiscal (Kluwer) nuance en énonçant que « toutes les dispositions qui touchent à la matière fiscale ne sont pas d’ordre public »
Etant une loi d’ordre public, la loi fiscale se distingue des lois impératives, qui sont celles « auxquelles il est interdit de déroger mais qui ne sont pas d’ordre public parce qu’elles protègent principalement des intérêts privés, et qui, dès lors, n’entraînent que la nullité relative des clauses ou des actes qui y dérogent sans exclure une renonciation ou une confirmation dans les conditions fixées par le droit commun et, en outre, par chaque loi particulière » (A. MEEUS, La notion de loi impérative et son incidence sur la procédure en cassation et sur l’office du juge , note sous Cass., 17 mars 1986, RCJB, 1988, p. 527)
La distinction est d’intérêt puisque l’on prête aux lois d’ordre public et aux lois impératives des effets différents (a) quant à la nature de la nullité et des pouvoirs subséquents du juge, ainsi que (b) pour ce qui est de la faculté de renonciation à la protection offerte :
a) les lois d’ordre public peuvent être invoquées par toute personne pour obtenir la nullité du contrat conclu en contravention de celles-ci et cette nullité absolue peut être soulevée d’office par le juge. En revanche, seule la partie protégée par une loi impérative pourra s’en prévaloir pour obtenir la nullité relative que le juge n’est pas autorisé à soulever d’office ;
b) il n’est pas permis de renoncer à la protection offerte par une loi d’ordre public, tandis que la partie protégée par une loi impérative peut y renoncer après la survenance de l’événement justifiant la protection et en connaissance de cause.
Ainsi, la loi d’ordre public édicte des dispositions qui doivent assurer le respect d’un minimum d’ordre, jugé indispensable au maintien de l’organisation sociale dans un Etat déterminé. L’ordre public « est la mise en œuvre de cette idée capitale (…) que l’intérêt général ne peut être compromis par les intérêts particulier » (G. MARTY et P. REYNAUD, Droit civil, 1962, II, n° 70).
Depuis l’important arrêt de la Cour de cassation du 3 mars 2011, en cause de l’Etat belge contre la société anonyme Oxygène (RG F.08.0082.F, Pas., 2011, n° 178 et les conclusions du ministère public), où la Cour a accueilli la troisième branche du moyen au terme du raisonnement suivant : « En raison du caractère d’ordre public de l’impôt, les juridictions de l’ordre judiciaire doivent statuer elles-mêmes en fait et en droit dans les limites du litige dont elles sont saisies, quelle que soit la nullité dont est entachée la décision administrative intervenue. L’arrêt [attaqué] considère que, “s’il ne lui appartient pas d’annuler la contrainte litigieuse à défaut de disposition expresse prévoyant une telle sanction, la cour [d’appel] se doit de constater qu’en l’absence de preuve de ce qu’elle a été visée et rendue exécutoire par le directeur régional ou par un fonctionnaire dûment désigné par lui, cette contrainte n’a pas de force exécutoire et ne peut donc produire aucun effet”.
L’arrêt [attaqué], qui, pour ce motif, ne statue pas sur la contestation dont la cour d’appel était saisie et qui portait sur l’existence de la dette d’impôt, ne justifie pas légalement sa décision de condamner le demandeur à rembourser à la défenderesse toute somme qu’il aurait perçue en exécution de ladite contrainte. Le moyen, en cette branche, est fondé ».
Un arrêt du 9 octobre 2014, statuant sur une décision similaire, n’a pas permis de lever toute ambigüité sur la question de savoir si, in concreto, la cour d’appel avait été saisie d’une demande tendant à dire si l’impôt est dû et qu’il pouvait lui être reproché de n’avoir pas examiné cette question (Cass. 9 octobre 2014, RG F.11.0124.F, Pas. 2014, et les conclusions du ministère public).
La Cour de cassation (Cass. F150083N du 23 décembre 2016, aff. TIMMO) renouvelle récemment sa position en jugeant qu’ « en dehors du cas où l’acte administratif est nécessaire à la naissance de la dette fiscale, le juge doit, dès lors, nonobstant la nullité de l’acte administratif, statuer lui-même en fait et en droit sur l’existence de la dette fiscale lorsqu’il y est invité par les demandes formées par les parties. »
Il s’ensuit que lorsque, dans un litige relatif à la TVA, l’assujetti demande non seulement l’annulation de la contrainte visée à l’article 85 du Code TVA, mais aussi le remboursement des sommes qu’il a déjà payées, le juge qui annule la contrainte doit se prononcer sur l’existence de la dette en matière de TVA.
Le juge ne peut pas ordonner le remboursement de cette dette sans examiner si la taxe est due ou non.
En effet, l’annulation de la contrainte TVA n’implique pas que la taxe ait été payée de manière indue. Le juge doit à cet égard tenir compte des conséquences de l’annulation de la contrainte invoquées par les parties, notamment sur le plan de la prescription.
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